L'autre jour, une Allemande m'a lâché "nous sommes les nouveaux Kosovars". Sans colère, plutôt résignée, cette dame qui habite la Suisse depuis des décennies et qui voit évoluer les vagues anti-étrangers comme on regarde passer les train. Quelques jours auparavant, j'avais justement rencontré un Kosovar. Lui, il ne se portait pas trop mal. Habité de cette conviction d'avoir mangé son pain noir, avec sa femme et ses enfants. Les nuages dans son ciel zurichois se dispersent peu à peu.
Les Allemands, c'est autre chose. Impossible d'éviter cette polémique qui surgit dans chaque discussion. Même si elle vous échappe en grande partie, à vous qui confondez parfois vos compatriotes avec un voisin du nord, lorsque leur prononciation est trop nette pour être honnête. De toute façon, vous êtes mal placée pour juger. Vous vous sentez bien plus étrangère que les Allemands.
Alors que pour les autochtones, cette population touche une corde sensible. "Ce sont les premiers migrants qui ne viennent pas par nécessité, parce que leur pays serait en guerre ou n'offrirait aucune perspective d'avenir, comme autrefois les Italiens ou les Yougoslaves. Non, les Allemands viennent juste pour obtenir des salaires plus élevés en Suisse", estime un Zurichois. Dès lors, tout se mêle: impossibilité de trouver un logement décent et abordable, un job intéressant et suffisant au coût de la vie zurichois, une discussion de rue dans le dialecte maternel. Un sentiment global d'exiguité dans cette Suisse bondée.
Les chiffres frappent. De 87'000 en 1980, la communauté germanique est passée à 250'000 en 2009. Pour le seul canton de Zurich, ils sont 68'000, en première place des étrangers. Au niveau Suisse, ils n'ont certes pas encore dépassé la présence italienne (290'000), mais ils pénètrent la société par tous les étages, alors que les voisins du sud avaient commencé par le bas de l'échelle et gravi les marches une à une. A l'inverse, l'Allemand vous sert aussi bien un café au Starbucks qu'il signe le bulletin annuel de votre entreprise - qu'il dirige.
Pas forcément riches, rarement pauvres. Souvent bien formés, mais pas toujours. Si semblables aux Suisses, impossibles à distinguer, à cerner. Restent alors les clichés. Les tics de language, le "ich will" que ne diraient que les Allemands, alors que les Suisses assouplissent leur discours d'un "ich möchte". Cela vous rappelle cette réplique d'adultes que vous entendiez lorsque vous étiez petite et que vous disiez "je veux". "C'est le roi qui veut", vous répondait-on. Ici, ce serait donc le cas des Allemands. Cette impolitesse gêne tant qu'elle finit en objet d'études pour linguistes en mal d'idiomes papous à retranscrire. "Les Suisses demandent, les Allemands exigent", titre la NZZ am Sonntag, confortée par les derniers travaux de l'Université de Zurich.
Contrairement à la plupart des spécialistes, les intouchables allemands en général n'ont pas immigré pour des illustrations politiques
Rédigé par: la roulette | le 20/02/2012 à 20:22