Frankenst...ahhhh ! Le monstre livide se dresse en caractères bold en Une de la NZZ am Sonntag. Il vacille d'une jambe à l'autre et avance vers vous. Oui, vers vous! Il ne vous tuera pas, non, ce serait bien trop clément. Mais il fera de vous un pauvre! Oui, vous Suisse, pauvre!
A la lecture de la NZZ, on n'a même pas besoin qu'on nous rappelle la date des élections fédérales le 23 octobre. Chaque semaine, on sent juste la massue de la propagande appuyer un peu plus lourdement sur le lecteur ahuri.
Car pendant trois ans, depuis la faillite de Lehman Brothers, le brave citoyen a cru qu'on avait fait tout juste. La Suisse meilleure élève de la crise, la Suisse pro de l'épargne et exempte de dettes, la Suisse sans chômage (sauf les jeunes, mais on s'en fout, ils ne votent pas). Et si on a dû nous aussi sauver notre grande banque, on ferme les yeux très fort et on efface ce fâcheux épisode de notre mémoire. La preuve que c'est possible, UBS y arrive très bien en redistribuant des bonus à tire-larigot.
Pendant trois ans donc, l'élite s'est fait clap clap sur l'épaule, en prononçant "Sonderfall" dans les trois langues. Mais soudain, à quelques mois de renouveler le Parlement, panique à bord: si la Suisse va si bien que ça, que vont voter les électeurs? Ces emplâtres seraient capables de se laisser distraire des vrais enjeux de la vraie vie (l'économie, pour ceux qui ne suivent pas). Imaginez, ils pourraient élire les Verts, chamboulés qu'ils sont par cette saleté de Fukushima. Ou alors, ils pourraient se prendre pour des grands seigneurs et exiger une meilleure répartition du gâteau, glissant un bulletin rouge dans l'urne.
Vite, agissons. C'est ainsi que la machine aux mauvaises nouvelles se met à turbiner. En première ligne du front, on trouve la batterie de soldats et les généraux d’Economiesuisse, serial distillateurs d’inquiétudes. Economie, énergie, la fin du monde est proche: «Les gens vont voir quel est le prix de la sortie du nucléaire – que se soit sous la forme de coûts élevés, d’un approvisionnement incertain et d’une moins bonne protection de la nature et du paysage», «Chaque mois, de nouvelles entreprises tombent dans la zone de perte. Si la situation des taux de chances se péjore encore, certaines devront délocaliser leurs places de travail, ce à quoi pense déjà beaucoup d’entreprises. Lorsque le processus de délocalisation démarre, il est irréversible. Ces deux prochaines années, il y aura des traces de freins saignantes» ou plus sobrement dit «La crise actuelle est gravissime».
Une fois le terrain globalement labouré, les frappes chirurgicales peuvent commencer, menées par les lobbies, chacun sur son pré-carré. Ainsi, Avenir suisse nous apprend que le vrai problème du logement, ce n'est pas la pénurie. Non, c'est plutôt que des locataires restent trop longtemps au même endroit - à croire qu'ils se pensent chez eux, quelle prétention. Du coup, ils paient trop peu en comparaison des objets nouveaux sur le marché. Une injustice à combattre en offrant les loyers à la main aveuglement juste du marché.
Le patronat, lui, menace de baisser les salaires pour compenser la faiblesse de l'euro. "Travailler plus pour le même salaire ou gagner moins pour le même travail", préconise sans siller la NZZ. A côté, Sarkozy a l’air d’un enfant de chœur. Surtout que, j'ai peut-être la mémoire courte, mais je ne me rappelle pas de hausses de salaires à la belle époque de l'euro à 1,70 francs.
Vous l'avez compris: la Suisse va mal. Son bien le plus précieux, l'économie, est menacé de toutes parts. Votez juste, pauvres citoyens. Sinon, Frankenstein (le franc fort – Frankenstärke, dans la langue de l’élite helvétique) vous dévorera. Et surtout, n'oubliez pas: l'économie n'est pas au service des gens. Les gens sont au service de l'économie.
Décidément vous ne l'avez pas à la bonne cette ville.
Dommage que votre blog se limite souvent à tester des clichés. Même si beaucoup de vos observations sont justes et parlent effectivement au pendulaire lausannois que je suis, nous n’en saurons en revanche pas beaucoup sur le ‘génie’ de Zurich (car il y en a bien un), ce qui fait son pouvoir d’attraction et sa singularité. Il y aurait pourtant tant à dire sur de nombreux aspects, comme son paysage et sa culture médiatique, les contrastes de sa vie culturelle, le sens de la communauté qu’ont ses habitants, l’organisation de l’espace public, le contenu des scrutins populaires locaux, le rapport entre cosmopolitisme, innovations, et attachement aux racines…
Et puis, si vous ne les connaissez pas déjà, je vous conseille les bandes dessinées de Zürich by Mike, qui, œuvre d’un immigré qui rencontra un franc succès, s'attachèrent durant la décennie passée à transcrire des scènes de vie zurichoise avec beaucoup d’ironie affectueuse.
Rédigé par: reno filip | le 19/07/2011 à 21:04
Détrompez-vous, j'aime cette ville. Je ne crie pas au coup de foudre, ce n'est pas une ville facile qui se donne au premier soir. Mais, au cours des neuf derniers mois, j'ai appris à l'apprécier, d'un amour qui ne demande qu'à être approfondi.
Sur les clichés, vous avez tout à fait raison. Le choc culturel - globalement, le röstigraben - constitue un des piliers de ce blog. D'ailleurs, je ne le considère pas comme focalisé sur Zurich. Je tente plutôt d'utiliser mon expérience zurichoise pour réfléchir à l'identité, aux clivages et aux points de rencontres de ce pays. En outre, j'y confie mon vécu, ce qu'on pourrait tout à fait accuser de peoplisation. Globalement, cette page est un défouloir, souvent joyeusement sarcastique, aujourd'hui plutôt rageur. Pour mes lecteurs, je la souhaite source de divertissement instructif, du moins chargée de sens. Mais immanquablement, elle en énerve une partie: c'est le prix du point de vue partial.
Je n'ai ici aucune intention de servir de l'information objective et pondérée. Cela, je le fais à longueur de semaine dans L'Hebdo. Produire de l'information est un métier, qui demande salaire, ce qui n'est pas le cas du blog. Les mille et une spécificités de la vie culturelle et sociale sont à lire dans la presse traditionnelle. Nous sommes près d'une trentaine de correspondants romands à Zurich, à nous tous, je pense que fournissons une offre informative complète aux lecteurs intéressés.
Pour finir, j'avoue ne pas connaître Zürich by Mike et vous remercie du conseil. Je m'en vais voir ça dès demain.
Navrée pour la tartine. Mais ce type de commentaires offre l'occasion de clarifier ses objectifs, non seulement par rapport aux lecteurs, mais aussi par rapport à soi. Donc, merci d'avoir pris la peine d'écrire, même si ce n'était pas le feed-back le plus agréable qui soit. Et j'espère ne vous avoir pas définitivement perdu comme lecteur.
Rédigé par: Tasha Rumley | le 19/07/2011 à 23:26
Prenez mon précédent commentaire comme une provocation aimable, et recevez-en pour preuve l'évocation de Zürich by Mike, auquel votre écriture et votre regard m'ont fait pensé.
Et vous avez sans doute raison, je me méprends sur la vocation respective du blog et de l'article traditionnel. Toujours est-il qu'à mon sens le blog, comme le montre les vôtres, par son format, son ton et son rythme permet d'exprimer les choses de façon bien plus éloquente, notamment grâce aux décalages et effets qu'il permet.
Vos blogs d'ailleurs abordent de façon indirecte la plupart des thèmes que je mentionnais.
Peut-être ai-je en tête une forme d'écrit idéale qui combinerait les deux.
Alors oui, c'était un encouragement (et je continuerai à vous lire).
Rédigé par: reno filip | le 20/07/2011 à 10:26