Ce qu’il y a de bien avec le Röstigraben, c’est qu’en tant que Romand, on a le beau rôle. On est l’hédoniste détendu, marrant, ouvert sur le monde. Auréolé de glamour comme le mauvais élève qui ricane au coin, sous l’œil envieux de l’intello à lunette incapable de s’octroyer un peu de fantaisie.
Alors quand le Röstigraben nous place dans le rôle du coincé, c’est une vraie douche froide – la métaphore est choisie. Tentez l’expérience du spa en Suisse alémanique. La scène se passe dans les montagnes du Toggenburg, patrie de Toni Brunner - si c’est pas de l’intégration suprême que d’y passer ses congés. Un chalet collectif un peu baba, ça chante des chansons slaves à la guitare et à la scie (si si) et ça bosse dans l’humanitaire ou l’écologie. Comme il pleut des cordes sur la neige trop basse, le spa de l’hôtel d’à-côté se profile comme activité-clé. Prévoyante, j’ai voulu embarquer mon maillot de bain dans ma valise. Ricanement de l’homme qui m’accompagne – la tenue d’Eve suffira. Paraît-il que c’est la norme chez les Teutons.
Pour moi, élevée aux sages bains thermaux d’Yverdon et de Lavey, le naturisme se dessine comme une introduction excessivement intime avec ce nouveau cercle d’amis – qui a bien sûr choisi de se dilater les pores au même moment. Je traîne des pieds sur le chemin, nous laissant distancer par le groupe. Ca marche, ils sont bientôt hors de vue. Sauf que, politesse oblige, ils poireautent à l’entrée pendant 10 minutes en nous attendant. Que c’est attentionné, vraiment, il ne fallait pas... Mon espoir se tourne alors sur les trois linges que chacun reçoit. Eurêka – en maillot de bain ou en emmaillotage improvisé, c’est kif kif.
Au sortir du vestiaire, l’univers vaporeux se dévoile, bien plus spacieux que prévu: six ou sept saunas, bains ou douches, sur deux étages, le tout joyeusement éclairé. Et là, sous mes yeux ébahis, mes deux compagnes tombent leur linge et l’accrochent à la suspente. Olé! Les mâles débarquent, idem. Et ça se balade, et ça discute, et ça fait des éventails avec les linges définitivement pas noués autour des hanches. Une vraie leçon de relâchement de soi. Je me rassure, les hésitations de mes doigts crispés sur la serviette se sont accordés à merveille avec mes hoquets de suisse allemand. C’est ça, une Romande pour les Alémaniques: une grande gueule et pas de c… .
Bon... d'un autre coté, on atteint le degré zéro de l'érotisme. Ce n'est déjà par terrible à la piscine, mais à poil (dans le sens propre du terme) avec les chaires pendantes ou boudinées passé l'âge de 18 ans, on ne peut pas mieux faire afin de détruire toute velléité de séduction. Les regards et les attitudes, alémaniques ou pas, sont d'autant plus retenus. Les latins ont raison de laisser quelque tissus sur leur corps, et cela, je crois, n'a rien avoir avec le fait d'être coincé, mais permet de garder une once de "mystère", de mise en valeur, ou de travestissements quelconques. Et cela correspond bien à leur mentalité.
Rédigé par: Seemleo | le 01/06/2012 à 15:20