Il n’existe pas de mot allemand, ni même suisse-allemand, pour «bobo». C’est bien dommage, voire scandaleux, que d’être privé de ce qualificatif alors que les événements mondains zurichois constituent l’essence même du boboisme.
Par exemple hier soir, je suis allée traîner mes guêtres et mes hauts talons au vernissage de «photo12». Dans l’immense Maag-Halle (au pied de la Prime Tower où souffle dorénavant un vent à décorner les bœufs parce que les architectes se sont visiblement plantés dans leur gestion des espaces extérieurs; des portes auraient même été arrachées par les rafales, je me marre). Fermer la parenthèse. Je disais donc, dans la Maag-Halle, la scène de la photo helvétique expose jusqu’au 17 janvier ses clichés favoris de l’année écoulée. Pas très sélect je vous préviens, on passe des pros aux amateurs, avec quelques écaliens à mi-parcours. Immanquablement, on s’use la rétine sur de mornes prises de vue de forêts, des clichés flous de nanas qui s'embrassent ou des bombes surmaquillées à la moue boudeuse en robe orange et talons violets. Passons. Tant qu’à regarder des starlettes, autant que ce soit en chair et en os dans l’assemblée, où elles ne manquent pas. Encore mieux, les écouter raconter avoir manqué de justesse un rôle fantastique dans un film d’horreur en préparation qui aurait lancé leur carrière. Caramba, encore raté.
Pour le traiteur, on frôle la caricature: Hiltl, le végétarien zurichois sur-branché/cher. Perplexe, on repense à la mousse rouge qu'on vient d'avaler pour «tartare de bœuf». Aucune piste. Le campari tonic fera passer le malaise gustatif.
Le traiteur végétarien devient plus amusant lorsqu'on tombe sur le stand de Pia Grimbühler. En cinq clichés, la Zurichoise tient tendrement un lapin, puis le dépèce et le dévore. La chaîne alimentaire dans toute sa crudité et ses contradictions, c’est gore et génial à la fois. On espère qu’une serveuse de Hiltl y jettera un regard choqué, en vain.
Juste à côté, mon coup de cœur et n’y voyez aucun chauvinisme: le Romand Roberto Greco met en scène de splendides animaux, morts eux-aussi, dispersés sur une table de festin. Ambiance orgiaque et symboles phalliques, cela respire étrangement la soif de vivre. Le jeune diplômé de l'Ecal (27 ans) mérite d'être surveillé.
Gavée de délicatesses végétariennes, je quitte le vernissage un peu déroutée. S'extasier devant des animaux morts, c'est mal? Il n'y a qu'une explication: je ne comprends rien à la photo.
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