C’était la semaine dernière, bon, je suis en retard. Du coup, vous – lecteurs attentifs du Temps et de la NZZ –, vous savez depuis belle lurette que Freitag a déménagé, n’est-ce pas ? Qu’après 18 ans à Züri-West - ancien cœur de la culture alternative (voir L’Hebdo) - la production de sacs uniques et suffocants de puanteur a migré à Oerlikon. Vous avez compris que ce sera plus grand, plus efficace, plus écolo. Et affreusement ennuyeux: Oerlikon, c’est comme délocaliser à Bussigny.
Je dois avouer une certaine tendance addictive à Freitag. J’en suis à quatre pièces, en passe d’acquérir la 5e. A titre de cliente, mes yeux s’écarquillent à chaque nouvelle lubie des deux plus beaux frangins de Zurich. Ca n’a pas manqué lorsqu’ils ont dépendu la crémaillère de la fabrique à Züri-West, vendredi soir dernier. Mis en scène parfaite: Markus et Daniel accueillant les invités les pieds coincés dans un bloc de béton; à l’intérieur, une pelleteuse menaçant d’abattre les murs de l’entrepôt à chaque seconde; partout, des amas de cailloux ou des barrières de travaux distillant une ambiance de fin de règne. Le tout au son de DJ’s trop pointus pour se défouler, mais ô combien chics pour les puristes.
A titre de journaliste par contre, qu’est-ce qu’ils m’agacent. A trop peaufiner leurs événements, les Freitag nous privent de tout esprit d’analyse ou de création lyrique. Regardez la banderole qui trônait sur l’assemblée: FERTIG (fini), en police FREITAG. On ne réalise le jeu de mots qu’au deuxième coup d’œil. Quel esprit, grandiose! Ou prenez le communiqué: il saisit le déménagement de Freitag après 18 ans pour filer la métaphore de l’envol vers l’âge adulte, départ du cocon familial. Malin.
Devant tant de professionnalisme, la journaliste que je suis reste dépitée. Mon travail est prémâché, chaque cellule de poésie ou d’ironie cultivée en amont et servie prête à l’emploi. Ne reste plus qu’à bêler des phrases entières de communiqués de presse. Gâches métier, va!
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