Lorsque mes amis lausannois ont appris que je passais le weekend en Engadine, ils ont lâché un cri d'horreur: «Oh mon dieu!». Mes amis zurichois, eux, ont d’abord avalé un spätzli de travers en apprenant que je n’y avais jamais posé les pieds. Puis m’ont souhaité un beau weekend, presque envieux. Alors ne pensez pas qu’ils ont des goûts de –BIIIP– qui expliqueraient ce décalage. Non, car l’Engadine est une vallée immaculée cachée entre les massifs grisons comme une perle, que les Alémaniques (et les Russes) ont découverte il y a fort longtemps. Alors que, vue de Suisse romande, elle ressemble plutôt à une huître hostile, recouverte de conifères.
Car l’Engadine, c’est d’abord loin. Même de Zurich, vous ne vous en sortez pas à moins de 3 heures. Vu que j’ai moi-même dû chercher sur une carte, je suppose compter parmi mes lecteurs quelques incultes de mon envergure. Voici donc un repère (en rouge, le tracé du rail).
L’Engadine, c’est beaucoup de train. Pas du genre Lausanne-Genève à l’heure de pointe, plutôt modèle vintage, comme celui que vous faisiez roulez sur la moquette du salon jusqu’à ce qu’un playmobil judicieusement disposé le fasse dérailler. Bref, le Bernina Express - bâti on ne sait par quelle folie ou esprit longtermiste en 1903 à flanc de coteau, traversant 55 tunnels et 196 ponts, je vous raconte pas la joie des (grands) gamins – va jusqu’à arborer le stampel tout neuf de l’UNESCO. Suisse Tourisme dit merci.
De Coire à Tirano – la première commune sur sol italien – le far ouest helvétique se déroule. Sur des dizaines de kilomètres, pas une âme qui vive. Le train s’arrête au milieu de nulle part pour déposer des randonneurs et des skieurs de fonds ; des snowboarders portés par un cerf-volant glissent sur une glace lunaire ; des bouquetins furtifs se dérobent aux regards. C’est magnifique, désolée de la banalité, et l’unique objet de raillerie se trouve dans les annonces de stations en romanche. Au final, l’expédition révèle une délicieuse inutilité – manger une fondue, s’enfoncer dans la neige, observer le trax qui se prend pour le Costa Concordia, échoué dans le lac mal gelé de St-Moritz. Mais c’est du grand air et l’occasion de faire de splendides photos. Crédit MK – ce n’est pas moi.
Le caterpillar passé au jus. Idéal comme attraction pour les milliers de touristes de luxe de St-Moritz, dont je doute de la capacité à skier. J'en viens même à me demander si ce n'était pas planifié.
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