Je fais une entrave à mes principes. En temps normal, rien ne m’irrite plus que la dérive de la presse vers le serviciel (en jargon) ou news you can use (en langage globalisé). En clair, cette information qui se moque éperdument de la marche du monde et préfère servir au lecteur une liste de bons plans pour lui faire économiser 2.50 francs sur les rouleaux de PQ. Et ainsi, rentabiliser l’achat du journal. Paraît que les lecteurs aiment et que je suis une journaleuse réactionnaire avant l’âge.
Aujourd’hui, j’avoue que la situation atteint un sommet qui me pousse à parler. En ce vendredi, je vais vous déballer mes tuyaux shopping du samedi. Version alémanique bien sûr. Direction la Germanie – parce que filer à Pontalier pour acheter du Super-Poulain ou des mousses au choc Danone introuvables en Suisse, ça s’est terminé avant même l’ère Chirac.
Une heure de route pour atteindre Constance. Une file indienne de plaques d’immatriculations helvétiques sur 50 km, on se sent terriblement original. Posée à la frontière sur son lac qui ne l’est pas en allemand (le Lac de Constance devient le Bodensee, allez savoir), la bourgade est absolument charmante, ce qui ne gâche rien. Mais les Suisses dont nous sommes s’engouffrent directement dans le Lago : un centre-commercial forcément moche bien que neuf.
La première vague d’adrénaline nous percute chez « DM », une chaîne de droguerie-parfumerie low cost, comme les inventeurs d’Aldi et Lidl savent si bien les faire. Là, je trouve pour cinq euros la crème corporelle Neutrogena que j’achète vingt francs à Sunstore. Gloups. Le dentifrice Elmex ? 2.25 euros. Le tube géant d’Olay ? 5 euros. Je me mets même à douter avoir jamais payé dix balles en Suisse pour ces produits.
Pour en avoir le cœur net, l’étape n°2 s’impose : les fringues. C’est que bien des boutiques, fort peu malignes, affichent une étiquette unique pour les prix en diverses monnaies. Je découvre « Comma », collection ravissante. Je jette mon dévolu sur un pull, 39.95 euros, c’est correct. Et là, scandale! Sur l’autre versant de l’étiquette (habile tentative de dissimulation) est inscrit « CH 79.90 ». Le double ? Un taux à 2 contre 1 entre le franc et l’euro, vous vous en souvenez ? Moi pas.
Cette histoire de franc fort m’apparaît comme une vaste fumisterie. Les associations de consommateurs et même notre ministre de l’économie Schneider-Ammann nous encouragent à acheter à l’étranger pour goûter à la faiblesse de l’euro. Jolie rhétorique. On croirait presque que l'eurozone à prix plancher ne constitue qu’une courte fenêtre temporelle, qui se refermera sous le grand-œuvre de la BNS (banque nationale). Or, reconnaissons-le : ce n’est pas pour rien que la Suisse est le pays du fromage. Les consommateurs se font traire à longueur d’année. Franc fort ou pas.
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