Et de deux! Après Bâle-Campagne le week-end dernier, c'est à Zurich que les Verts ont éjecté un membre du gouvernement comme une quille. Dans l'élan du "Fukushima Effekt", les écologistes ont replacé un élu à l'exécutif, dans ce canton tiraillé entre campagne conservatrice et ville progressiste. Mais, plutôt que l'UDC labellisé nucléaire (il siège au Conseil d'administration d'Axpo) Markus Kägi, c'est un PDC que la boule verte a terrassé. Hans Hollenstein, profil terne d'homme du centre, l'air d'être "ni pour, ni contre, bien au contraire" a glissé entre les blocs (UDC, Verts libéraux, PS). Cruel destin, alors que le dernier sondage lui prédisait la deuxième place au Conseil des sept.
C'était une ambiance entre deux eaux qui régnait au centre de presse de la Walchestrasse. Chaque grand parti semblait perdant ou épargné de justesse: tant la faible participation (33%) que l'attraction vers les nouvelles formations montrent un dédain pour la politique des notables et des grandes familles. Incarnation de la scène traditionnelle zurichoise, le PLR a essuyé le plus cuisant échec, avec un recul de 3%, à 12%. Mais les autres ne s'en sortent guère mieux: le PDC, en plus de son fauteuil au gouvernement, a dû lâcher quatre sièges au Parlement (-2,4%) alors que le PS a senti le vent du boulet (-0,15%, qui se traduisent par la perte d'un député). A l'autre bout, l'UDC conserve sa domination (29,6%) mais voit s'effacer deux parlementaires.
Au final, l'ambition de chacun ne visait plus qu'à limiter la casse. Même la socialiste Regine Aeppli, connue à échelle nationale, ne s'est maintenue au gouvernement qu'à 3000 voix d'avance. Tension à mesure que tombaient les résultats, soulagement. A l'exception d'Hans Hollenstein, visiblement sonné par son éviction, entouré d'une compassion qu'on adresse aux martyrs.
Dans cette salle morose, un homme encore jeune ne se départissait pas de son sourire. Costume de circonstance, Thomas Maier goûtait cette journée ensoleillée. Employé de la banque cantonale zurichoise, il préside les Verts libéraux (GLP), gagnants incontestés du jour, qui ont doublé leur nombre de sièges (19 sièges, +10%). "Nous avons atteint notre but bien plus tôt que prévu", triomphe-t-il. Surtout, le GLP franchit un seuil symbolique qui sonne son entrée dans la cour des grands: pour la première fois depuis son schisme des Verts en 2004, il atteint le même niveau électoral. Dès lors, les évocations de fusion avec les Verts, comme proposé la veille par un conseiller d'Etat bernois, font sourire Thomas Maier. "Bernhard.... euh comment déjà? Ah oui, Pulver! Non, la fusion n'est pas du tout un thème pour nous. Bernhard Pulver l'a sans doute évoquée par proximité de personnes plutôt que de parti." (ndrl. ce n'est pas le cas).
Côté Verts zurichois, l'euphorie a d'abord dominé. C'est in extremis que Martin Graf l'a emporté, à 2000 voix de son concurrents PDC. Par contre, la stagnation au Grand Conseil a déçu Esther Guyer, présidente de fraction, qui aurait volontiers compté deux-trois sièges supplémentaires. "Maintenant, il va falloir voir comment le GLP utilise son succès: voteront-ils avec nous sur l'écologie? Car dès que cela coûte quelque chose, ils deviennent difficiles à convaincre", regrette-t-elle, voyant en eux une formation plus libérale que verte. Que ces concurrents de sang aient tant progressé, elle se l'explique par les difficultés de la gauche en général, à laquelle les Verts zurichois appartiennent clairement. "Le GLP a pris des voix au centre, au PDC, au PLR, là où nous n'avons aucune emprise."
Tant les Verts que les Verts libéraux assurent que ce nouveau rapport de force, à égalité, dans le canton le plus peuplé de Suisse, ne changera en rien leurs relations. Pourtant, cette concurrence tombe mal pour un parti bâti progressivement sur les trente dernières années, justifié par la science après avoir été moqué par l'économie. Le moment d'envoyer un conseiller fédéral approche. Et si, à Zurich, Martin Graf doit clairement son élection aux Verts libéraux, que réclameront-ils en échange dans la Berne fédérale?
Cohue à l'annonce des résultats. Les conseillers d'Etat Thomas Heiniger (PLR, sortant) et Markus Kägi (UDC, sortant, menacé dans les sondages), gardés par les gardes du corps des assauts des journalistes.
A droite: Martin Graf (Vert), fraîchement et de justesse élu, aux dépends du sortant Hans Hollenstein (PDC)
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